Retour à la case “Antitrust” pour Google

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Retour à la case “Antitrust” pour Google

Alors que les deux fondateurs de Google viennent d’annoncer leur décision de prendre du recul et de quitter la direction d’Alphabet, Google se retrouve une fois de plus au cœur d’une enquête mouvementée.

Depuis Septembre 2019, Google est dans le viseur de 48 États américains, de Porto Rico et du District de Columbia. Une enquête antitrust a été lancée afin d’étudier la position dominante du géant du Web sur les recherches en ligne et la publicité ciblée utilisant des données à caractère personnel.

Pour rappel, les lois dites “antitrust” sont des lois anti-monopoles, “trust” désignant une grande entreprise, bénéficiant d’une concurrence faible et monopolisant un marché. La première loi de ce type a fait son apparition en 1890 aux États-Unis afin de lutter contre le monopole des compagnies pétrolières.

Un historique déjà bien chargé

Ce n’est pas la première fois que Google se retrouve impliqué dans de telles enquêtes, mais la procédure reste tout de même rare aux États-Unis. En effet, les précédentes sanctions concernant les affaires antitrust étaient majoritairement dues aux investigations de l’Union Européenne qui a sanctionné le géant à plus de 8 milliards d’euros, depuis 2010.

En 2017, c’est suite à la mise en avant de Google Shopping, son comparateur de prix dans les résultats de recherche, que Google a été sanctionné à hauteur de 2,42 milliards d’euros pour concurrence malhonnête.

En 2018, le géant du Web reçoit sa plus grosse amende antitrust de la part de l’UE, s’élevant à 4,34 milliards d’euros, pour “pratiques illégales” au niveau des smartphones sous le célèbre système d’exploitation Android. Google exigeait en effet la pré-installation d’applications telles que Google Search et le navigateur Chrome, et empêchait certains fabricants d’installer des moteurs de recherche concurrents sur les smartphones fonctionnant sous Android.

Plus récemment, en mars 2019, le géant américain écope encore une fois d’une sanction de 1,49 milliards d’euros infligée par l’UE pour avoir abusé de sa position dominante vis-à-vis des publicités en ligne utilisant les dernières recherches faites sur le navigateur.

Figure 1 — Liste des sanctions les plus importantes pour les enquêtes antitrust menée par l’UE.

Publicités et concurrence déloyale

Cette enquête est donc une initiative des procureurs américains qui regroupe l’ensemble des États et territoires américains à l’exception de l’Alabama et bien évidemment de la Californie, où Google et les autres géants du numérique ont leurs sièges.

L’enquête se concentre principalement sur les pratiques de publicités ciblées qui orientent souvent les utilisateurs du célèbre moteur de recherche vers ses propres produits et services dérivés. De plus, la majorité de ces publicités utilisent des données à caractère personnel obtenues grâce à l’utilisation des produits Google. Le procureur général du Michigan s’est d’ailleurs exprimé à ce sujet :

“Our personal data is the biggest commodity in today’s online economy.
When a giant like Google makes 90 percent of its revenue from utilizing our personal data in its advertising business while undermining consumer choice, stifling innovation, violating our privacy, and controlling the flow and exchange of information, it is essential that we take a closer look.
We will go where the facts lead us to both protect our consumers and to ensure a free and competitive market.”

Dana Nessel, Michigan Attorney General.

Pour résumer, le procureur insiste sur le fait que nos données à caractère personnel représentent un marché important de l’économie en ligne actuelle et qu’un géant tel que Google réalise 90% de son chiffre d’affaires grâce à l’utilisation de ces données. Selon lui, nos données sont principalement utilisées dans le cadre des activités publicitaires de la firme américaine, et ce, au détriment de notre vie privée et en contrôlant nos flux et échanges de données. Enfin, il annonce sa décision de mener une enquête pour protéger les utilisateurs et garantir un marché libre et concurrentiel.

Vers une nouvelle sanction record ?

Dans les années 90, la collaboration entre les États aux USA avait permis d’infliger une sanction de 206 milliards de dollars sur 25 ans auprès de 7 entreprises de l’industrie du tabac.

Cette stratégie d’alliance entre les États a donc déjà fait ses preuves et pourrait entraîner une sanction importante pour Google, dépassant peut-être les sanctions déjà imposées par l’Union Européenne.

En parallèle, Londres vient de lancer une nouvelle enquête antitrust sur l’accord Google-Looker en ce 2 décembre 2019 dans le but de vérifier si l’acquisition de Looker, une entreprise d’analyse de données dans le Cloud, peut entraîner une diminution de la concurrence sur le marché du Cloud, à savoir AWS (Amazon Web Services) et Microsoft Azure.

Le reste des GAFAM aussi ciblé

Amazon, quant à lui, a fait l’objet d’une enquête antitrust en septembre 2019 sur l’utilisation de son pouvoir et influence afin de nuire à la compétition du commerce en ligne, à savoir des acteurs tels qu’eBay ou Walmart.

Toujours en septembre, Apple a dû modifier les algorithmes de son App Store suite à la conclusion d’une enquête antitrust mettant en évidence la promotion d’applications provenant de la maison mère au détriment des applications provenant d’éditeurs tiers.

En début octobre, c’était Facebook qui se retrouvait dans le collimateur de 45 États américains concernant ses pratiques anticoncurrentielles et sur la collecte de données. Une enquête similaire menée par l’UE a commencé en ce début de mois de décembre et pourrait engendrer de nouvelles sanctions, quelques mois après l’amende historique de 5 milliards de dollars attribuée à Facebook afin de clôturer l’affaire Cambridge Analytica.

Pour revenir à Google, seul le temps nous dira si cette nouvelle enquête rentrera dans l’histoire avec une sanction record dépassant celles déjà infligées par l’Union Européenne. Ce qui est sûr néanmoins, c’est que nous n’avons pas fini d’entendre parler d’affaires antitrust concernant les GAFAM, car leur démantèlement est un sujet clé des débats liés aux élections présidentielles américaines de 2020.

Auteur :
Raphaël LIGORIO, consultant GRC chez SEKOIA

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Fayçal EL BELGHAMI, Head of SEKOIA Global Cyber Security Services

Sources :

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