Pourquoi la Libra est-elle si controversée ?

-
18/9/2020
OWN Security

Pourquoi la Libra est-elle si controversée ?


La libra a été annoncée le 19 juin 2019 par Facebook. La Libra est à la fois le nom de la cryptomonnaie et le nom du protocole qui la fait fonctionner. Cette cryptomonnaie serait développée et gérée par la Libra Association, consortium basé en Suisse, initié par Facebook. Sa mise en circulation, originellement prévue pour juin 2020, semble compromise, d’autant plus une année d’élection présidentielle.
Afin d’intégrer cette association, les entreprises intéressées devaient investir 10 millions de dollars (environ 9 millions d’euros) rien de moins ! A sa création, la Libra Association comptait presque une trentaine de membres dont se sont fendus Paypal, Lyft, Spotify ou encore Iliad.

Figure 1 : Schéma des partenaires initiaux de la Libra

La Libra, que ce consortium veut développer, serait adossée à un panier de monnaies fiduciaires afin d’assurer sa stabilité. Ainsi, la Libra se classerait, parmi les cryptomonnaies, comme un stablecoin. Il existe différents types de stablecoin. Tous ont pour objectif de lutter contre la volatilité des cryptomonnaies en adossant la monnaie virtuelle à une ou plusieurs autres valeurs :

Figure 2 : Tableau des différents types de stablecoin

La volatilité d’une devise correspond à la fluctuation imprévisible des taux de change sur le marché mondial des échanges. Dans un premier temps, pour obtenir la valeur d’une devise, était utilisé un étalon monétaire. Par exemple, avec l’étalon or, la valeur d’une monnaie fiduciaire, la livre sterling anglaise, était directement liée à la valeur de l’or. Ce système monétaire fut abandonné en 1944 avec la signature, par 44 pays, des accords de Bretton Woods. Le dollar n’est plus indexé sur l’or et devient alors la monnaie de référence dans le monde. Le dollar n’est plus indexé sur rien, Le cours des devises étrangères n’est alors plus lié à l’or mais au dollar. Entre 1971 et 1976, Nixon va progressivement supprimer toute référence à l’or et le dollar devient flottant, ainsi que les monnaies indexées dessus.

Ainsi, pour stabiliser la valeur des cryptomonnaies dont le cours a été rendu volatile en raison des activités spéculatives, un système similaire, de collatéralisation (ou adossement) a été utilisé.
C’est ce que la Libra Association envisage de faire en adossant la Libra sur les 5 devises les plus usitées :

Figure 3 : Graphique de la répartition du panier de monnaies qui adosseront la Libra

L’objectif de la Libra est bien évidemment commercial : permettre aux utilisateurs de Facebook et des autres services proposés par la société, d’effectuer des achats auprès de commerçants professionnels ou rembourser des amis sans sortir de l’application. Par ricochet, la Libra pourrait avoir un effet positif sur les pays en voie de développement. En effet, une grande partie de la population de ces pays n’a souvent pas accès aux services bancaires. N’importe qui, possédant un téléphone portable et un accès à Internet, pourrait créer un compte sur une application qui servirait de porte-monnaie (wallet) virtuel pour acheter ou transférer des Libra. Malheureusement la Libra ne sera accessible qu’après un contrôle “KYC” nécessitant la fourniture d’une preuve d’identité, et exclue de ce fait la population de la planète qui ne dispose pas de pièces d’identité en raison de l’absence d’un service d’état-civil étatique ou du faible enregistrement de la population auprès de ce dernier. C’est pourtant cette population qui bénéficierait le plus de la Libra.

L’arrivée de la Libra (présentée par Facebook comme ayant une visée louable), pose cependant diverses questions ayant trait tant à la sécurité du dispositif, à sa stabilité, à son contrôle ou encore à ses conséquences géopolitiques :

  • Sécurité du dispositif : La libra fonctionnera sur une plateforme blockchain. Ces plateformes se sont a plusieurs reprises montrées vulnérables aux attaques informatiques. Par exemple, la plateforme d’échange de cryptomonnaies Binance a été piratée le 7 mai 2019. L’équivalent de plus de 40 millions de dollars ont été volés sur des hot wallets (portefeuille connectés). Ce fut la première attaque d’envergure sur une plateforme d’échange de cryptomonnaies.
  • Stabilité de la Libra : la Libra sera adossée à un panier de devises ayant cours légal. Toutefois, le cours de ces devises pourrait être affecté par des crises économiques systémiques et, par ricochet, la valeur de la Libra.
  • Autorité de contrôle de la Libra : les médias ont beaucoup critiqué le fait que des entreprises privées contrôlent à elles seules une cryptomonnaie serait utilisée par plusieurs millions de personnes.

L’Union européenne et le G7 ont vivement réagit à l’annonce de la Libra. Ils ont convenu qu’aucun projet mondial de « stablecoin » indexé sur des devises ne verrait le jour sans la création d’un cadre juridique pour les monnaies virtuelles. La France n’est pas en reste avec la sortie d’un rapport parlementaire, l’expérimentation par la Banque de France et la Société Générale d’un échange de valeur intraday en Euro via une technologie Blockchain ou encore le lancement d’un appel d’offres pour l’innovation sur le sujet d’un “Eurocoin”.
Par conséquent, après de telles réactions de méfiance, certains partenaires se sont retirés de la Libra Association. Sur la trentaine de partenaires, un tiers n’a pas souhaité poursuivre l’aventure Libra :

Figure 4 : Schéma des partenaires actuels de la Libra Association

Avec la Libra, Facebook veut donc enrichir la multitude de services déjà disponibles afin d’unifier l’expérience sociale (communication, remboursement d’amis, achat de biens, etc.) de ses utilisateurs sur une plateforme unique qui unifierait Facebook, Messenger, WhatsApp et Instagram.

Facebook avait déjà montré son intérêt pour des achats « in-app » avec M-commerce (Mobile-Commerce) sur Messenger ou les Facebook Credits permettant des transferts d’argent sur Messenger (initiative développée entre 2009 et 2013 qui fut abandonnée). La Libra semble être l’aboutissement d’une vision. Le projet est ambitieux mais, pour le moment, encore au point mort car la date de lancement reste incertaine.

Il existe cependant des exemples d’applications, principalement chinoises telles que WeChat ou Alipay, qui ont réussi la mutation en porte-monnaie utilisant des cryptomonnaies.

Figure 5 : © https://conservativememes.com/i/what-ifitold-you-that-your-wechat-could-have-super-powers-da227eff8bfd439194a9d8017d9af084

Les vives réactions qu’a reçu la Libra pourraient être dues à la peur des régulateurs de perdre une partie de leur souveraineté et de ne pouvoir contrôler superviser une partie des échanges. En effet, le rôle de contrôle et de régulation des banques centrales serait, si la Libra arrivait, transféré à un consortium d’entreprises privées. Ces dernières seraient-elles de taille pour lutter contre le blanchiment, le financement du terrorisme, les attaques contre les plateforme d’échange.

Figure 6 : © https://steemit.com/bitcoin/@chitty/paypal-applies-for-virtual-currency-wallet-system-patent

Sources :

Partager l'article :

Your OWN cyber expert.